LE RÔLE DE L’AMOUR

Traduction : Sigolène McCarthy, the Translation Bridge

Le pouvoir peut devenir une puissante dépendance.

Un grand nombre de dirigeants mondiaux, de célébrités, de gourous et d'hommes d'affaires les plus prospères partagent en commun cette dépendance au pouvoir... avec les agresseurs sexuels et les meurtriers.

Bien que de nombreuses histoires soient choquantes, l'expérience que j'ai vécue au début de ma vie dans mon pays d'origine a été extrême. Pendant cinq ans et demi, j'ai fait l'objet d'un trafic sexuel de la part de politiciens, d'hommes d'affaires, de célébrités et d'aristocrates qui mettaient leurs châteaux à disposition pour des orgies. J'ai été utilisée comme objet de négociations commerciales ou pour servir à obtenir des faveurs politiques, tandis que ma famille acceptait de l'argent pour me conduire partout où on le lui demandait.

La plupart du temps, Il n’y avait que quelques enfants. Nous étions une monnaie d'échange précieuse, jusqu'à ce que nous soyons considérés comme une menace - alors nous étions éliminés.

Mon tour est venu en 1974, à l'âge de 11 ans, après avoir été protégée (Il ne m’avait pas touché et avait interdit aux autres de me toucher) par un gangster pendant un certain temps, puis abandonné. Lorsque ma torture a commencé et qu’il devait m’achever, il a changé d'avis et a conclu un accord avec les chefs pour me sauver la vie. Il m'a relâché et m'a donné des instructions détaillées et précises qui devaient assurer ma survie.

L'un de mes mécanismes de survie consistait à détendre tous les muscles qui ne m’étaient pas utiles pendant l'abus, une sorte d'analgésique automatique du mental dans le but inconscient de minimiser la douleur, ce qui a également incité mon corps à éprouver du plaisir, rendant mon sentiment de honte intolérable, même si le sentiment que j’éprouvais, était un substitut d’affection.

Cette sensualité s’est perfectionnée de 1972 à 1973, une année au cours de laquelle j'ai été formatée par des techniques de contrôle mental pour devenir une célébrité doublée d'une esclave sexuelle pour l'élite mondiale, mais je me suis rebellée contre mon propriétaire potentiel et j'ai été renvoyée dans le réseau belge, avant d'être sauvée un an plus tard. Cette sensualité a perduré jusqu'à l'âge adulte, avec des traits de visage dépourvu de stress et un comportement figé - un calme artificiel camouflant une honte et une énorme haine de soi.

Sept ans après mon sauvetage, alors que j'avais 18 ans, un acteur célèbre m'a dit que moi aussi je pouvais être célèbre. J'étais déjà habituée à être une marchandise précieuse et j'avais été préparé à la célébrité. En jouant le jeu du pouvoir pour rester en vie, j'avais découvert que j'aimais ce jeu. J'étais même douée. Mais les instructions de survie que je suivais incluaient de rester invisible, comme un gangster... pour garder mon secret en sécurité.

J'ai refusé une offre de rencontre avec un réalisateur renommé et je me suis réfugiée dans des emplois subalternes dans des grandes villes comme Londres et Paris, car je me sentais indigne de gagner ma vie, ou même d'être en vie.

Avec un ego aussi abîmé que le mien, avec un tel manque d'amour de la part des adultes de mon enfance, je voulais - comme eux lorsqu'ils avaient abusé de moi - me sentir puissante.

Je me suis détournée de toutes les opportunités qui se sont présentées, préférant ressentir les sentiments douloureux et inconfortables qui se cachent derrière le plaisir de la puissance : insécurité, manque d'estime de soi, honte, humiliation... revivant continuellement les frustrations du passé. Il s'agissait d'un côté d’une torture masochiste auto-imposée et de l’autre, de la source de toute guérison. Je pouvais observer et analyser la confluence de la réalité émotionnelle et factuelle, la relier au traumatisme originel, en prendre conscience et en faire le deuil.

La reconnexion et l'intégration de ces parties dissociées ont permis l'expansion de la conscience.

En agissant contre mon désir de pouvoir, j'ai vu l'autre aspect des choses et j'ai commencé à prendre conscience du rôle que joue le pouvoir et le sentiment d’impuissance dans les relations, la criminalité et la célébrité. Cette compréhension était plus valable que n’importe quel pouvoir.

L’ivresse du pouvoir peut créer une échappatoire temporaire pour ceux qui se sont constamment sentis impuissants dans leurs jeunes années - les enfants qui ont été privés de leurs impulsions les plus innocentes, qui ont été constamment frustrés dans leurs besoins et leurs désirs, dont la liberté de l'enfance a été volée par des abus émotionnels, physiques ou sexuels.

Les symptômes de dépendance sont les mêmes, mais les accros au pouvoir ont besoin que d'autres personnes les admirent, les désirent et/ou les craignent pour prendre leur pied ; c'est pourquoi la dépendance sexuelle est également la même : le motif primaire de la conquête ou de l'agression sexuelle est de se sentir puissant.

Le motif fondamental de toutes les dépendances, y compris la dépendance au pouvoir, est le sentiment de liberté.

Mais de quoi s'agit-il ?

Dans mon expérience, j'ai cherché à me libérer de la honte qui avait effacé mon innocence.

Un nouveau-né a besoin d'un reflet affectueux de la part de ses parents et doit être considéré comme innocent.

Je n'ai pas eu cela, et j'ai donc grandi émotionnellement coincée dans cette première phase de ma vie. J'ai gardé les « outils » du bébé pour essayer de satisfaire ce besoin, en restant excessivement malléable mentalement, prête à tout absorber et en acceptant tout ce que les gens percevaient de moi.

Les pensées sensuelles des hommes, par exemple sur la beauté ou la grâce, s’imprégnaient instantanément sur mon psychisme, modifiaient mon énergie et même mon physique. Je ressentais une certaine vibration agréable, différente selon les personnes, et plus forte lorsque plusieurs personnes pensaient à moi en même temps - un peu comme un « high » sous morphine.

Les accros au pouvoir sont attachés à des projections positives. Les admirateurs, les suiveurs, les amants, les fans et, dans le cas des pédophiles, les enfants victimes, sont des substituts parentaux qui fournissent involontairement le carburant nécessaire à cette dépendance.

En étant considérés comme puissants, différents, spéciaux, plus attirants, plus grands ou meilleurs, les accros au pouvoir adoptent ces projections et les utilisent comme substance pour nourrir émotionnellement l'enfant endommagé à l'intérieur d’eux, ce qui peut être vécu comme un vide ou une sorte de trou noir si la personne n'a pas de lien avec cette partie intérieure.

Le jeu du pouvoir consiste à garder secrètes ses propres pensées négatives, à écarter les projections négatives et à utiliser au maximum les positives, afin de retrouver le sentiment d'innocence par des moyens calculateurs et exploitants.

Comme pour toute addiction, lorsque la maladie progresse, ces pensées secrètes de se sentir faux ou sans valeur deviennent cachées au toxicomane lui-même, qui croit alors qu'il est la somme totale de ces qualités projetées, et perd le contact avec sa capacité innée à distinguer le bien du mal.

Sans connexion émotionnelle avec le soi, on peut avoir l'impression que rien n'est réel, que tout est un jeu qu'il faut gagner à tout prix pour prouver sa propre valeur. Quand le monde est un terrain de jeu et que les gens sont des pions, l'ego agit comme un dieu. Le charme de certains psychopathes ou de personnes qui ont réussi réside dans leur assurance hors du commun.

Comme le monde aime le pouvoir, aucune tentation n'est plus grande. Un alcoolique peut trouver du soutien auprès d'autres personnes qui comprennent exactement ce qu'il ressent et pourquoi il est si important de ne pas boire un seul verre.

Les dépendants au pouvoir n'ont pas de groupes de soutien ; ils sont peu sensibilisés à cette dépendance. Le rétablissement ne peut commencer que lorsque le toxicomane reconnaît qu'il est impuissant (face à sa dépendance) - et il se trouve que c'est la plus grande crainte de ce groupe particulier.

Pendant les cinq ans et demi où j'ai été esclave sexuelle, j'ai été violée par des centaines d'hommes adultes.

Bien que j'aie souffert de graves dissociations et qu'on m'ait souvent donné de la drogue et de l'alcool, une partie de moi est toujours restée observatrice.

Les hommes étaient en état d'ébriété. Les drogues et l'alcool sont le catalyseur idéal pour libérer les parties refoulées. Les agresseurs se dissocient aussi, et ont souvent des trous de mémoire, qu'ils soient ivres ou non au moment de l'agression.

Certains pédocriminels sont des solitaires, mal à l'aise en présence d'adultes, accros à la pédopornographie et tentant d'établir des liens physiques avec des enfants par l'intermédiaire d'Internet, mais il y a aussi de nombreux adeptes du « grooming », le processus de manipulation consistant à s'immiscer dans une famille ou une communauté pour gagner la confiance des enfants, et les préparer à l'agression. Des groupes de pédophiles étonnamment importants échangent sur le Darknet des conseils sur la manière de préparer les enfants aux abus.

Les pédophiles s'identifient émotionnellement aux enfants, c'est pourquoi ils sont si souvent habiles pour les attirer. Ils peuvent paraître mûrs, sages, extrêmement doués, drôles et intelligents, mais ils sont émotionnellement bloqués dans l'enfance, n'ont pas d'estime de soi et, surtout, ne voient pas l'enfant en tant qu’enfant. Ils ne voient souvent que des parties d'eux-mêmes qu'ils ont perdues - l'innocence principalement - et sont obsessionnellement attirés par ces aspects particuliers dans une tentative inconsciente de combler le vide qu'ils ressentent à l'intérieur.

Ils se comportent souvent comme des enfants blessés, ce qui peut les rendre révoltants, ou au contraire si innocents et charmants qu’on n’arrive pas à croire leurs victimes lorsqu'elles s'expriment.

Les pédophiles ne savent pas comment ils sont devenus ce qu'ils sont et donc offrent peu d'indices aux autres pour les comprendre, mais comme ils projettent une partie d'eux-mêmes sur les enfants qu'ils abusent - une partie qui a été séparée de leur conscience - il est logique de s'interroger sur ce qui s'est passé dans leur propre enfance, en particulier à l'âge des enfants qui les attirent.

Ils sont obligés de modeler l'enfant selon leur propre vision solipsiste du monde. Ce processus de transformation, d'un enfant vif et innocent en un enfant mort de peur et de traumatisme, est l’abus lui-même.

Ils transforment les enfants en ce qu’ils sont eux-mêmes ; des zombies émotionnels, des coquilles vides.

Nombre d'entre eux sont soumis à la pression constante d'une voix intérieure négative, qui les juge et les déteste, la voix intériorisée d'une figure parentale de leur propre passé, lorsqu'ils n'étaient pas aimés à leur juste valeur et qu'on se servait d'eux. Pendant l'abus, cette voix est momentanément réduite au silence, ou plutôt, elle est dirigée vers la nouvelle victime, et elle justifie l'acte.

La transgression peut sembler se produire comme si elle était hors du temps, comme si elle n'était pas en train de se produire. Souvent, les adultes ne sont pas présents du tout ; ils sont dans une zone d’ombre.

Les enfants seront probablement à l'écoute - comme le sont les proies et les prédateurs - et adopteront les justifications et les rationalisations de l'auteur de l'agression et se déconnecteront pour s'en sortir.

Parfois, l'abus peut être oublié alors même qu'il se produit, de sorte qu'il n'entre jamais dans l'esprit conscient.

Mais, ce qui se passe à chaque fois avec l’abus sexuel aux enfants, c'est que la victime a le sentiment d'être « mauvaise ».

La honte perdure et, sans aide ou soutien extérieur, la résistance au sentiment de honte peut assombrir toute la vie de la victime.

À l'âge adulte, les mécanismes de survie perdent leur utilité, mais peuvent parfois ressurgir au travers du cycle de la maltraitance, lorsqu'une victime devient un agresseur : la conscience se divise, le vieux mensonge (la notion d’être mauvais) prend une autre tournure ; cette fois-ci, la victime une fois devenue l'agresseur, se sent « bonne », récupérant ainsi l'innocence qui lui a été volée, capable de donner libre cours à son sentiment de victimisation, tandis que la nouvelle victime se voit attribuer la « méchanceté » ou le rôle de la mauvaise personne.

Ma mère avait l'habitude de me punir en disant « Je vais encore t'emmener là-bas », fortifiée par le pouvoir de la vengeance. Elle me conduisait, généralement les soirs de week-end, parfois les jours d'école, là où on le lui demandait. En général, je trouvais sa voiture garée à l'extérieur à l'aube, pour être ramenée à la maison, morte et meurtrie.

J'ai appris de mes agresseurs que ma mère était payée, comme les autres proxénètes.

Adulte, je l'ai confrontée par écrit. Elle m'a répondu : « Je ne ferais pas ça » et « Je n’aurai jamais fait une chose pareille »  et « Je pensais que je t'emmenais à des soirées pyjama ». D'aussi loin que je me souvienne, ma mère se considérait comme une victime, ce qui lui permettait de justifier en permanence tout ce qu'elle pouvait faire.

Les pédocriminels protègent souvent énormément le besoin égoïste inconscient des parents hypocrites pour qu’ils soient perçus comme de bons parents (un récit souvent adopté aveuglément par les forces de l'ordre ou les journalistes qui interrogent les parents apparemment bienveillants), et ils exprimeront plus facilement des remords pour avoir déçu leurs parents plutôt que d'avoir fait du mal à leurs victimes.

Avec un schéma émotionnel dévastateur, les pédocriminels transmettent la même humiliation qui les a déshumanisés, et seront contraints de le faire jusqu'au moment où ils commenceront à retourner leur colère contre leurs véritables auteurs.

L'humiliation est un rabaissement conduisant à un sentiment d'impuissance associé à une peur et une honte écrasante. L'humiliation evoque les émotions qui sont les plus difficile à vivre : ressenties pendant les abus, et raison pour laquelle il est si difficile d’en guérir après avoir été abusé.

Pourtant, l'humiliation est omniprésente. Les intimidateurs et les pédocriminels tentent de se distancier de leurs propres humiliations en faisant honte à leur victime.

La maltraitance est une rébellion inconsciente contre l'injustice d'avoir été contraint d'assumer une honte qui appartient à quelqu'un du passé, et non à la victime du présent.

Il y a des enseignants qui humilient leurs élèves, des gourous qui humilient leurs étudiants, des patrons qui humilient leurs employés, des parents qui humilient leurs enfants, des hommes qui humilient les femmes, des gardiens de prison qui humilient les prisonniers, des femmes qui humilient les autres femmes, des gens qui humilient leur conjoint, des nounous qui humilient les enfants, des guérisseurs qui humilient leurs clients, des policiers qui humilient  les citoyens, des adultes qui humilient les enfants, des politiciens qui humilient d'autres politiciens, et certaines personnes essaient d’humilier tout le monde.

Chacun d’entre nous s'est retrouvé des deux côtés de la honte, et la réaction naturelle de celui qui la vit est de réprimer sa colère jusqu'à ce qu'elle puisse être évacuée, une fois que l’on est dans une position de pouvoir.

Plus les humiliations sont grandes, plus la soif de pouvoir est grande.

Le pouvoir est alimenté par la colère.

La plupart des gens projettent énormément sur des inconnus qu’ils croient connaître en raison de leur exposition dans les médias. Lorsqu'une personne célèbre apparaît, l'énergie du groupe se transforme en une excitation palpable due à l'attente. Le public aime la star, mais admirer les stars n'est pas aussi anodin qu'il n'y paraît.

Une grande partie de ce que nous appelons de l'amour est une projection basée sur la peur, un résidu émotionnel de la tentative de plaire à un parent humiliant ou à un agresseur du passé, et derrière le besoin de plaire à l'autorité se cachent la colère et le désir de se venger de n'avoir pas été traité comme il se doit.

La plupart des gens ont le même problème émotionnel sous-jacent à l'attachement au pouvoir que les accros au pouvoir, car tout le monde a eu l'occasion d’avoir été victime d'un abus de pouvoir.

Dans la mesure où la frustration liée à des abus ou à des humiliations passées se cache à l'intérieur, elle oblige à participer au cercle vicieux du pouvoir.

Dès que le pouvoir est projeté sur un autre être humain, la responsabilité personnelle est annihilée et la mentalité de victime (l'idée d'innocence) est assumée. L'adulte qui joue le rôle de l'enfant se met inconsciemment en position de se battre et d'organiser un coup d'État personnel.

L’attitude protectrice envers des parents hypocrites et des célébrités, camoufle une colère réprimée.

S’identifier en tant que victime est la seule condition préalable pour faire du mal : cela sert à justifier le passage à l'acte.

Tout criminel se croit innocent lorsqu’il commet un acte repréhensible. Sans justification temporaire ou continue, il ne pourrait pas se résoudre à faire du mal.

La justification stimule la motivation.

Le puissant sentiment de pouvoir ressenti par un agresseur provient de l'innocence ressentie lorsque toute responsabilité est temporairement écartée, ce qui crée l'idée de liberté - comme celle que ressent un bébé lorsqu'il est aimé.

Le public ne s'engage dans la première phase du cercle vicieux du pouvoir que lorsque des pensées positives et affectueuses sont projetées sur une figure de pouvoir.

Le premier stade de projection, ou stade « amoureux », représente les émotions de surface exprimées à l'égard d'une figure d'autorité effrayante du passé. Ces émotions positives sont inconsciemment transmises aux gourous, aux personnes riches et célèbres et, lorsque les gens tombent amoureux, de l'objet de leur amour.

Les pensées négatives sont réparties et dirigées vers des figures avec moins de pouvoir, comme les prisonniers, ou toute personne à un rang inférieur à qui l'on va attribuer le rôle de l'enfant - des représentations extérieures de l'enfant mal-aimé qui se trouve en fait, à l'intérieur.

Dans le processus amoureux, une fois la lune de miel passée, l'objet « de notre amour » peut devenir le réceptacle des émotions négatives refoulées.

Le côté sombre du processus fait apparaître des figures de substitution du parent blessant dont personne ne veut se souvenir. Les deux faces d'une même figure parentale sont projetées sur des personnes différentes, ou le même objet « d'amour » est traité comme deux personnes différentes à des moments différents.

Le public participe inconsciemment au cercle vicieux du pouvoir à travers ses projections, qui créent pour chacun sa propre version minuscule du même problème.

Chacun d’entre nous se sent parfois victime.

La seule différence entre les criminels et la plupart d'entre nous, c'est l'ampleur des efforts que le criminel doit déployer pour se sentir à nouveau innocent, le degré auquel il doit renoncer à sa responsabilité personnelle pour compenser l’absence d’émotions affectives.

Le jeu du pouvoir ne s'arrête jamais et laisse un sentiment de vide ; comme d'autres drogues, il n'apporte pas le réconfort et l'amour dont on a vraiment besoin.

Le plus difficile dans l'amour n'est pas qu'il n'existe pas, c'est qu'avec une estime de soi brisée, il est impossible de le reconnaître ou de l'accepter.

Tous les criminels de mon passé et de nombreuses personnes puissantes que j'ai rencontrées sont tout simplement trop endommagés émotionnellement pour faire preuve de discernement, et sont incapables de se sentir vraiment aimés.

Coincé dans un modèle mental d'exploitation, il devient impossible de reconnaître un geste de gentillesse authentique ou un simple sourire : tout se vend ou s'achète ; l'innocence est morte. Cet état se traduit par le fait que la personne ne croit pas en l'innocence, ce qui explique pourquoi les accros au pouvoir au sommet ont ce sombre programme pour l'humanité.

Un enfant a besoin de recevoir de l’amour inconditionnel pour avoir un schéma émotionnel qui lui permette de savoir ce que sont l’innocence et l’amour.

L'astuce consiste à laisser entrer l'amour, car seul l'amour guérit. L'amour est vraiment tout ce dont vous avez besoin.  Je ne sais pas ce qui rend capable de le ressentir ou non. Pour moi, c’est grâce à une nounou qui m'a aimé pendant les trois premières années de ma vie que j’ai pu faire la différence.

Je travaille actuellement dans des prisons, où j'enseigne le yoga, la méditation et la pleine conscience.

Le credo bouddhiste et le message de toutes les religions, à savoir servir ceux qui sont dans le besoin - le karma yoga - sont incroyablement bénéfiques, car ils permettent d'établir un lien avec l'enfant impuissant qui sommeille en nous, et de lui donner l'amour et l'attention dont il a besoin.

J'ai découvert que la pleine conscience est l'outil le plus puissant pour rompre l'isolement. Lorsque je peux être pleinement présente pour quelqu'un, simplement ressentir ce qu'il ressent sans essayer de changer quoi que ce soit, quelque chose semble changer.

Je suis allée dans les prisons pour donner et j'ai découvert qu’en fait, je recevais. Il n'est pas nécessaire d’avoir de la compassion pour rendre service - c'est le contraire : le service facilite l'acceptation de l'amour, ce qui suscite ensuite crée la compassion.

Il est certain que de nombreux accros au pouvoir sont condamnés à errer toute leur vie dans les galeries des âmes perdues. Le dénominateur commun à tous les criminels psychopathes, les pédocriminels célèbres, les gourous aveuglés par le pouvoir et les hypocrites accrochés à leur image du « bien », est un profond sentiment de victimisation et de solitude.

Toute personne qui a eu la chance de connaître l'amour inconditionnel et qui peut établir des liens significatifs peut essayer d'être attentive, de regarder à l'intérieur d'elle-même et d'observer les relations de pouvoir.

Qui est placé plus haut et qui est rabaissé dans l'esprit des gens ?

Il est important de sortir du déni et de regarder ce que font les pédocriminels, même si c'est nauséabond, même si avant nous les considérons comme des personnes merveilleuses.

La compréhension passe par l'introspection. Il est possible d'arrêter de donner du pouvoir aux puissants, de voir au-delà des apparences et de poser un regard plus maternel sur les âmes mortes. Ils ont besoin de notre compréhension. Nous ne sommes pas des victimes. Nous ne sommes qu’un.

Anneke Lucas